venerdì 23 novembre 2012

Deux articles sur la chanson engagée

Changer le monde avec une chanson ?     
Par Sébastien Homer, L’Humanité, 29 novembre 2003
Histoire de la chanson engagée, ou quand les plus beaux chants sont les chants revendicatifs. Get Up Stand Up (1/4), Arte, 22 h 30. La récente affaire du groupe de rap Sniper poursuivi par Sarkozy avec l’appui de députés et de syndicats policiers a quelque chose de croquignolesque car, à l’origine de cet acharnement, on trouve les Identitaires, en clair, les anciens d’Unité radicale. Et n’est-il pas savoureux de constater que l’un des pontes de ce groupuscule, Fabrice Robert, lui aussi chantait sa haine de la société au sein du groupe de RAC (Rock against communism) Fraction Hexagone ?

" Un chanteur engagé, c’est un chanteur qui a un contrat ", plaisantait Robert Charlebois. Mais jusqu’où remonter pour parler de l’engagement des musiciens ? Nous n’irons peut-être pas jusqu’à Mozart, même s’il a été l’un des premiers à souhaiter que ses oeuvres soient accessibles au plus grand nombre. Nous n’évoquerons que rapidement les chansonniers ou les chants politiques. De Brecht à Brassens en passant par Vian ou Potier, l’histoire de la chanson engagée et subversive suit l’histoire politique. Comme le clame Ferré : " Les plus beaux chants, ce sont les chants de revendication. " Et aujourd’hui, il n’est pas un rassemblement anticapitaliste sans concert, pas une grande cause qui n’ait son porte- parole musical.
Comme le disait Joe Hill, le chanteur des IWW : " Un tract, on ne le lit qu’une fois. Une chanson, on l’apprend par coeur. " Pourtant, une chanson peut-elle changer le monde ? On peut en douter, mais la musique a accompagné - parfois précédé - les changements de société, les évolutions, voire les révolutions. Get Up Stand Up revient sur l’histoire moderne de ces chanteurs et ces chanteuses qui ont voulu se faire les porte-voix de la contestation politique et sociale. Aux États-Unis, la guerre du Vietnam a eu l’effet d’un électrochoc, à l’instar de Mai 68 en Europe. Et on a vu l’émergence d’une scène engagée, avec comme porte-drapeau country Joan Baez, Joe McDonald, John Lennon ou Bruce Springsteen. La pop à la guitare engagée et Jimmy Hendrix revisitant l’hymne américain à Woodstock donne le la à toute une génération. En Europe comme de l’autre côté de l’Atlantique, cet engagement sera vu avec méfiance de la part des pouvoirs politiques qui n’hésiteront pas à utiliser la force, notamment contre des groupes comme les MC5 qui avec le White Panther Movement n’hésiteront pas à appeler à la lutte armée. Cet engagement se retrouvera autour de causes comme la lutte contre l’apartheid ou les boat people. D’autres figures comme les Clash ou les Pistols apparaîtront avec le punk qui trouvera un prolongement en France avec le rock alternatif. Désormais, tous les genres musicaux - du rock à la techno en passant par le rap - ont leurs figures emblématiques. Certains concerts ont des allures de meetings, voire se transforment en zones d’autonomie temporaires comme les parades techno ou l’enregistrement d’un clip de Rage Against The Machine, à Wall Street qui entraînera la fermeture de la Bourse. Mais l’engagement peut poser question. D’aucuns s’interrogent sur la sincérité de celui-ci, voire sur l’opportunisme des artistes se greffant sur telle ou telle cause, comme Didier Wampas rêvant d’avoir " le portefeuille de Manu Chao ". Au point que certains se refusent à accepter ce qualificatif. Comme Reuno qui clame : " Lofofora n’est pas un mot d’ordre, ni un cri de ralliement ni un drapeau. Nous n’avons pas de leçon à donner ni à recevoir de personne, juste des points de vue à échanger, des expériences à partager. " La question que pose The (International) Noise Conspiracy reste saillante : " Est-ce qu’il profite de ses chansons pour nous vendre la révolution ou profite-t-il de la révolution pour nous vendre ses chansons ? " Pourtant, un signe : à la suite du 11 septembre 2001, près de 200 chansons ont été interdites d’antenne sur les radios et la culture reprise en main manu militari.

Chanson engagée et altermondialisme 

Par Guillaume Etievant 

Au cours de son histoire, la chanson française a souvent été synonyme d’engagement et de nombreux artistes sont connus autant pour leur musique que pour leurs convictions. Aujourd’hui, le mouvement altermondialiste apporte un souffle nouveau à la chanson engagée.                                                                        ©S.Fajner

Ces dernières années ont vu apparaître, parallèlement à la montée de l’altermondialisme, un véritable renouveau de la chanson militante. Des artistes comme Manu Chao ou Zebda, pourtant rares à la télévision, ont aujourd’hui un succès comparable à celui des chanteurs de variété aux multiples apparitions médiatiques. On peut s’interroger sur les raisons d’un tel engouement. Un premier constat : l’engagement des chanteurs a toujours été étroitement lié au contexte politique du moment. L’arrivée de la gauche au pouvoir en France dans les années ‘80 et l’effondrement de l’Union soviétique peu après ont entraîné une véritable remise en question des artistes engagés. En effet, il devenait plus difficile de chanter son amour du socialisme, étant donné la découverte de son expression totalitaire bien éloignée de l’idéal de liberté et d’égalité, et de prôner la haine du pouvoir français, puisque celui-ci était désormais aux mains de la gauche.

Les artistes engagés se sont donc de plus en plus tournés vers l’humanitaire et l’antiracisme, comme l’illustre Maxime Le Forestier avec sa chanson Né quelque part. La montée en puissance du Front national, à partir de 1988, a amené un nouveau combat partagé par des groupes de rock réputés, comme Noir Désir avec Un jour en France, et par le milieu punk plus underground avec notamment le slogan « La jeunesse emmerde le Front National » hurlé par les Bérurier noir dans leur chanson Porcherie et repris avec ferveur par la jeunesse française.

Des paroles et des actes 

Aujourd’hui, le destin de la musique engagée est nettement lié à l’altermondialisme. Cette lutte mondiale pour un autre monde, plus juste, est logiquement partagée par la nouvelle génération de chanteurs politisés. Le chef de file de cette chanson engagée semble être Manu Chao qui a joué à Mexico, pour soutenir le sous-commandant Marcos, et qui est régulièrement présent aux grandes manifestations altermondialistes, que ce soit à Gènes en 2001 ou au Larzac en 2003. Ce rôle semble parfois l’encombrer. « Ce sac à dos de haut-parleur de la jeunesse contestataire, je veux bien le porter. Mais je ne l’ai pas choisi. Et la dernière chose que je voudrais, ce serait de devenir un gourou », déclarait-il à Télérama lors de la sortie de son deuxième album.

On peut constater que, dans son cas, l’engagement se fait davantage par ses actes, ses déclarations, ses concerts de soutien, que par les textes eux-mêmes. Manu Chao semble être le symbole idéal de l’altermondialisme : il se proclame citoyen du monde, passe une grande partie de son temps en Amérique latine, et chante dans plusieurs langues. Il incarne le métissage culturel et musical, tout comme le groupe Zebda, connu pour son engagement politique avec la liste « Motivé-es » à Toulouse et son soutien à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), un parti d’obédience trotskyste.

Magyd Cherfi, un des chanteurs du groupe, n’hésite d’ailleurs pas à déclarer : « La chanson doit être politique. » Dans le cas de Zebda, les paroles sont aussi importantes que l’action, comme l’attestent des chansons telles que Le bruit et l’odeur ou Double peine. Les mots étaient également l’arme principale des musiciens de Noir Désir, qui au-delà de leur engagement en faveur de José Bové ou de l’association ATTAC, étaient surtout connus pour la dimension politique de leurs paroles avec des chansons comme Fin de siècle ou L’homme pressé qui mêlent poésie et militantisme. On peut également citer Damien Saez, dont on ne connaît pas d’engagement politique concret, mais qui fait passer à travers sa musique des messages forts comme on a pu le constater avec des titres tels que Jeune et Con, Menacés mais libres ou Massoud.

Si tous ces artistes proches de l’altermondialisme ont tant de succès c’est, outre leur indéniable talent musical, grâce au fait que ce mouvement attire beaucoup les jeunes et qu’ils retrouvent dans les chansons engagées les idées qu’ils partagent. On redécouvre ici le phénomène qui a participé au succès de Renaud, dont les propos virulents contre la police et la France ont eu un grand impact sur la jeunesse dans les années 1970, contribuant en partie à son succès. (…)

Le paradoxe de l’engagement 

Ce succès commercial de la musique engagée éveille un questionnement légitime sur l’intégrité de certains artistes. En effet, quand le message véhiculé fait plus vendre que la musique elle-même, il apparaît logique que certains chanteurs soient tentés de composer un morceau engagé par souci du profit. La révolte devient alors un produit. Manu Chao est conscient du problème : « Je veux que la musique reste une arme. Et je ne voudrais surtout pas que la rébellion devienne mon fonds de commerce. Le business récupère tout, et surtout la contestation [...] Pas question pour moi de devenir la petite caution de la rébellion à cent balles. Ça, c’est précisément le fardeau que je ne veux pas porter » affirme t-il à Télérama.
On a pu entendre de nombreuses critiques à l’égard de Noir Désir et de sa lettre ouverte à Jean Marie Messier, lors des victoires de la musique de mars 2002. Le groupe fut accusé de cracher dans la soupe puisque ses albums sont distribués par Barclay, un label d’Universal. On cible ici un des paradoxes de la musique politisée. Si un artiste engagé veut être en accord avec ses principes, il doit refuser de rentrer dans le « système », rester sur un label indépendant et donc proposer sa musique à un public d’initiés. Mais s’il agit de la sorte, le grand public n’entendra pas son message et il prêchera dans le désert. (...)

Dernière modification le 7 septembre 2004 
RollingStone juillet/Août 2004

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